12. Les voies de développement stratégique



I. La croissance de l’entreprise

Une fois sa stratégie choisie, l’entreprise doit réfléchir à la manière la plus pertinente de se développer. Ce développement passe par la croissance, processus quantitatif qui se caractérise par l’accroissement des dimensions de l’entreprise au niveau des produits et/ou de résultats. La croissance peut être organique (interne), externe ou encore faire appel à des partenaires (croissance conjointe). L’entreprise doit décider si elle souhaite mener sa stratégie au niveau national ou international.

A. La croissance organique ou interne

1. Le choix de la croissance organique

La croissance organique est l’accroissement de la taille de l’entreprise par la création de capacités nouvelles (industrielle, commerciale, recherche). L’entreprise utilise ses ressources pour grandir.
Une entreprise peut faire le choix d’une stratégie de croissance interne pour profiter :

  • de la demande forte de ses produits ;

Exemple : une entreprise qui a une offre innovante peut se trouver en situation de quasi-monopole / avec une forte augmentation de la demande. Pour satisfaire le marché, elle a besoin d’unités de 1 production ou de distribution supplémentaires qu’elle préférera créer elle-même par croissance V^ interne pour profiter de son avantage concurrentiel.

  • de ses capacités financières ;

Exemple : une entreprise qui dégage des marges d’autofinancement importantes peut vouloir les investir pour dynamiser son processus de production et de distribution en créant de nouvelles capacités.

  • de son potentiel humain.

Exemple : une entreprise qui bénéficie de ressources humaines de grande qualité souhaitera les mettre à contribution pour élaborer de nouveaux projets via des opérations de croissance interne.

2. Les modalités de la croissance interne.

La croissance interne est le mode principal de croissance de l’entreprise et peut être menée :

  • par la fabrication par l’entreprise d’actifs physiques ;

Exemple : l’entreprise produit elle-même des machines pour assurer sa croissance.

  • par l’achat d’actifs physiques ;

Exemple : l’entreprise achète des machines ou des usines clés en main.

Elle doit donc disposer des ressources nécessaires au paiement de ces actifs (autofinancement
ou emprunt).

3. Les enjeux de îa croissance interne

AvantagesRisques
Permet de bénéficier :
- d'une maîtrise totale de l'entreprise (pas de bouleversement des structures, ni de dilution du pouvoir) qui sauvegarde l'indépendance de l'entreprise ;
- d'une amélioration du climat social ( valorisation des compétences salariés) ;
- d'incitations de la part des pouvoirs publics (imposition plus faible, primes, consolidation de la culture d'entreprise...),
- Elle ne nécessite pas de lourdes et brusques réorganisations qui peuvent s'accompagner de chocs culturels.
- Elle est particulièrement adaptée aux PME.
- Entraîne un accroissement de l'endettement ou des problèmes d'accès au financement (en particulier pour les PME car les banquiers ont des difficultés à prêter des fonds à des entreprises de petite taille auxquelles ils font moins confiance. Pour réaliser ce type de croissance interne, les petites entreprises sont souvent obligées d'apporter des garanties, des cautions personnelles de la part de leurs dirigeants).
- Ses délais de mise en œuvre sont parfois longs.
- Elle peut être insuffisante pour assurer le développement de l'entreprise.

B. La croissance externe

1. Le choix de la croissance externe

La croissance externe est l’augmentation de la taille de l’entreprise par des prises de participation ou des rachats d’entreprises.

Une entreprise peut opter pour ce type de croissance pour :

  • consolider sa position concurrentielle, par exemple pour racheter des concurrents et acquérir rapidement des parts de marché supplémentaires ;
  • se diversifier pour avoir plus facilement accès à un marché extérieur ou à un nouveau marché sur lequel elle n’était pas encore présente. Elle peut aussi changer de métier en ayant accès à des techniques nouvelles et à des compétences complémentaires ou nouvelles apportées par les entreprises acquises. Ce type de croissance permet de conquérir une technologie ou un nouveau marché en profitant des compétences ou de la position dans ces domaines de l’entreprise rachetée ;
  • profiter d’effets de synergie par une rationalisation des efforts de recherche ou par une meilleure utilisation des outils de production ;
  • contrôler la régularité des approvisionnements (intégration amont) et des débouchés (intégration aval). Ainsi, les coûts d’achat et/ou de diffusion peuvent être réduits ;
  • utiliser son potentiel financier (surplus dégagé par l’activité de l’entreprise) de façon à augmenter sa création de valeur en plaçant ses excédents financiers dans l’acquisition
    d’entreprises rentables et performantes dans de nouveaux domaines.

2. Les modalités de la croissance externe

La croissance externe se réalise par l’acquisition d’entreprises ou d’actifs existants (matériels, immatériels, financiers). Diverses modalités de croissance externe existent :

  • la prise de participation, qui consiste, pour une entreprise, à acquérir une partie du capital d’une autre entreprise ;
  • le rachat d’entreprises et la fusion.

3. Les enjeux de ïa croissance externe

IntérêtsLimites
- La croissance externe est immédiatement opérationnelle et permet de s'implanter rapidement sur un nouveau marché.
- Elle permet de racheter des concurrents et de limiter la concurrence.
- Elle donne rapidement accès aux ressources et compétences nécessaires pour saisir les opportunités du marché.
- Elle favorise le passage des seuils dimensionnels présents sur certains marchés (taille critique) et offre la possibilité de réduire les coûts en bénéficiant d'économies d'échelle.
- Elle facilite les opérations de diversification.
- L'alourdissement de l'endettement suite au coût souvent très important de l'opération pour l'entreprise la rend souvent inaccessible pour des PME ou des entreprises trop endettées.
- La dilution du pouvoir par l'arrivée de nouveaux partenaires conduit à une perte d'indépendance.
- Les entreprises achetées peuvent avoir des cultures et des modes de fonctionnement très différents, ce qui peut provoquer leur mauvaise intégration.

C. La croissance conjointe

1. Le choix de la croissance conjointe

La croissance conjointe conduit à l’association de plusieurs entreprises pour réaliser des économies d’échelle sur un composant ou sur un stade du processus de production isolé. Ce type de croissance implique que les entreprises en question coordonnent leurs moyens et compétences plutôt que d’être en concurrence ou de procéder à un rapprochement de type croissance externe.

L’objectif principal de la croissance conjointe est la recherche de complémentarités.
Il peut s’agir, par exemple, d’une PME qui a mis en place une innovation produit, mais qui n’a pas les moyens financiers de la commercialiser. Une croissance conjointe avec une grande
entreprise peut lui permettre d’accéder aux ressources financières qui lui font défaut. Pour la grande entreprise, c’est l’occasion d’avoir accès à une innovation produit, à de nouvelles
compétences et peut-être à un nouveau marché.
Ce type de croissance permet de mettre des ressources et des compétences en commun pour obtenir des synergies optimales.

2. Les modalités de la croissance externe

La croissance de l’entreprise peut prendre la forme d’un partenariat grâce à un contrat de sous-traitance, de franchise, de concession, ou se faire via un groupement d’intérêt économique (GIE), une joint-venture ou la constitution de filiales communes.

3. Les enjeux de la croissance conjointe

AvantagesRisques
La croissance conjointe donne accès à des ressources et des compétences plus larges. Il s'agit de coordonner les moyens de plusieurs entreprises. Les compétences et les moyens (en particulier financiers) sont donc multipliés.Le principal problème que pose ce type de croissance est celui de la coordination. Il faut que les objectifs recherchés et les modes de fonctionnement des différentes entreprises soient communs, et cela sur le long terme.



 

II. L’internationalisation de l’entreprise

A. Le choix de l’internationalisation

1. L’internationalisation dans le cadre d’une stratégie globale (corporate strategy)

L’internationalisation peut s’inscrire dans la stratégie globale de l’entreprise ou être rendue nécessaire par cette dernière. Ainsi, il peut s’agir :

  • de se spécialiser sur un produit phare à l’international ou de se diversifier en choisissant de cibler différentes zones géographiques au niveau mondial ;
  • de procéder à l’intégration de fournisseurs ou de distributeurs étrangers, ou à une externalisation vers des pays où les ressources sont plus facilement accessibles et moins coûteuses.

2. L’internationalisation dans le cadre d’une stratégie de domaine (business strategy)

L’entreprise mono-activité mènera sa stratégie d’internationalisation dans ce seul domaine d’activité.

L’entreprise multi-activité devra définir une stratégie d’internationalisation globale et pour chaque domaine en optant pour :

  • une stratégie axée sur la recherche de coûts inférieurs à partir d’économies d’échelle ou des bénéfices issus de l’effet d’apprentissage de façon à dominer par les coûts en dirigeant l’internationalisation vers des pays à bas coûts ;
  • une stratégie axée sur la recherche d’une différenciation des produits (promotions, caractéristiques particulières du produit, distribution, qualité, services, etc.), l’internationalisation pouvant alors permettre d’élargir le marché domestique ;
  • et une stratégie de focalisation sur un type d’activité étroite (niche, créneau) que l’entreprise pourrait mener à l’étranger.

3. L’internationalisation au service de la croissance

L’entreprise peut choisir de s’internationaliser suite à une stratégie de croissance externe ou interne.

Il peut s’agir, en fonction des objectifs recherchés dans chaque domaine d’activité, de rechercher :

  • la domination par les coûts : l’internationalisation est souvent adoptée pour profiter des avantages, en termes de coûts des matières premières et des ressources humaines, offerts par certains pays. Il peut s’agir de délocalisations vers des pays où ces ressources et compétences sont facilement accessibles, bon marché et de bonne qualité ;

Exemple : implanter au Maghreb des centres d’appels pour bénéficier d’une main-d’œuvre compétente, ayant une bonne connaissance du français, mais beaucoup moins chère.

  • la conquête de nouveaux marchés pour relancer la croissance : lorsqu’une entreprise se situe sur un marché en phase de maturité ou de déclin, l’internationalisation peut être l’occasion de relancer les ventes et de les augmenter sur des marchés encore peu exploités. Quand il s’agit de développer un produit phare innovant, l’internationalisation peut aussi être l’occasion d’élargir son marché vers des pays à forte croissance ;

Exemple : pour beaucoup d’entreprises, l’implantation dans des pays comme la Chine ou l’Inde, qui ont une croissance avoisinant les 10 %, constitue aujourd’hui une attractive possibilité d’expansion.

  • la préservation de la position concurrentielle sur un marché mondial : la mondialisation conduit les entreprises qui veulent rester compétitives à l’internationalisation. Délaisser les marchés émergents peut amener une entreprise à perdre sa place de leader dans la course concurrentielle.

Exemple : les constructeurs automobiles européens font du marché chinois un de leurs axes de développement prioritaire compte tenu du volume qu’il représente.

B. Les modalités et les enjeux de l’internationalisation

1. Les étapes de l’internationalisation

L’internationalisation est, en général, l’étape ultime parmi les différents choix stratégiques d’une entreprise. Ce choix résulte habituellement d’étapes successives qui sont, le plus souvent :

  • l’exportation des produits ;
  • l’implantation commerciale par le biais de bureaux, de succursales ou de filiales ;
  • les relations contractuelles de transfert de savoir-faire comme la franchise ;
  • la mise en place de joint-ventures ou d’entreprises conjointes ;
  • l’implantation d’unités industrielles à l’étranger.

2. Le recours aux exportations

Le recours aux importations est souvent la première étape de la stratégie d’internationalisation. Cette étape est la moins risquée et permet de se familiariser avec le marché étranger concerné. Toutefois, comme pour tout type d’internationalisation, l’adaptation du marketing mix doit tenir compte des spécificités locales très souvent rencontrées en matière de distribution, de médias et de comportement du consommateur.

3. La mise en place d’un partenariat
Un partenariat peut prendre la forme d’une joint-venture, de filiales communes, de franchises, etc. Il permet de profiter des ressources, des compétences, de l’image et de la connaissance du pays étranger par l’entreprise partenaire.

4. L’investissement direct à l’étranger

L’implantation d’unités dans le pays étranger est souvent la dernière étape de la stratégie d’internationalisation. Il peut s’agir de la délocalisation d’une unité nationale, de façon à rechercher un avantage en termes de coûts, ou de la création de nouveaux moyens.

5. L’internationalisation et l’évolution de la forme de l’entreprise

L’internationalisation peut être menée dans le cadre d’une croissance organique externe ou conjointe. Elle conduit à la constitution de différents types d’entreprises :

  • l’entreprise exportatrice : il s’agit souvent de la première étape de la stratégie d’internationalisation ;
  • l’entreprise multinationale : c’est une entreprise qui a des filiales dans de nombreux pays et qui opère soit dans une zone géographique déterminée, soit dans le monde entier. En revanche, son centre de décision demeure dans le pays où elle a son siège social. Dans son offre, la firme multinationale cherche à s’adapter aux différences nationales ;

Exemples : Renault, Dior.

  • l’entreprise transnationale : il s’agit d’une entreprise qui, à partir d’une base nationale, implante à l’étranger, dans un certain nombre de pays, plusieurs filiales avec une stratégie et une organisation conçues à l’échelle mondiale. Contrairement à l’entreprise multinationale, sa logique de fonctionnement et de gestion se détermine à l’échelle mondiale et non plus à l’échelle nationale. En revanche, la firme transnationale peut aussi chercher à adapter son offre aux différences nationales. Actuellement, le qualificatif « multinationale », qui avait une connotation négative, disparaît souvent au profit de « transnationale ». Les deux qualificatifs sont donc de plus en plus souvent utilisés de manière synonyme, même si certaines entreprises comme Nestlé ou McDonald’s restent l’exemple même de l’entreprise transnationale ;
  • l’entreprise globale : elle est la forme la plus centralisée de l’internationalisation. Elle vend les mêmes produits, de la même manière, partout dans le monde.

Exemples : Coca-Cola et McDonald’s offrent à leurs clients, quel que soit le pays concerné, à peu près les mêmes produits, aux mêmes prix, dans le même cadre et avec un service similaire.

6. Les enjeux de l’internationalisation

AvantagesRisques
II est indéniable que l'internationalisation présente de multiples avantages en termes :
- d'économies au niveau des ressources ;
- de possibilité de prolonger le cycle de vie des produits ;
- d'économies d'échelle suite à une production et une commercialisation en plus grandes quantités ;
- de diversification des sources de financement ;
- de recherche d'avantages fiscaux et de change.
Mais ces avantages ne doivent pas faire oublier les risques qu'elle comporte en termes :
-d'informations qui pourraient nuire à l'intégration de la culture des différents pays. En effet, si l'entreprise ne prend pas soin de rechercher des informations fiables sur la culture, les infrastructures, les habitudes de consommation, les contraintes légales, etc., du pays étranger, son internationalisation risque de courir à l'échec ;
- de coordination ;
-de mauvaise gestion de la taille de l'entreprise ;
- de mauvaise connaissance des risques politiques, sociaux et fiscaux au sein des différents pays.

Ces enjeux montrent que l’internationalisation doit être cohérente avec les stratégies globale et de domaine de l’entreprise si elle veut être couronnée de succès.