8. L’optimisation des ressources technologiques et des connaissances




Les choix stratégiques de l’entreprise doivent se traduire par une création de valeur. C’est le système de production qui prend alors le relais en se mettant au service du déploiement de la stratégie. Le système de production va mobiliser des ressources à la fois matérielles et immatérielles telles que la technologie et les connaissances des salariés.

I. Les choix d’organisation de la production

A. Les objectifs de l’organisation de la production

La fonction de production vise trois objectifs :

  • l’efficience est le rapport entre les résultats obtenus et les moyens engagés. Pour atteindre cet objectif, le responsable de la production doit minimiser les coûts. Le premier coût qu’il cherche à réduire est celui du travail. L’organisation scientifique du travail (OST) s’inscrit pleinement dans cette démarche. Mais la réduction des coûts peut être plus globale et continue. On parle de « lean management », qui est la recherche continue de l’élimination de tous les gaspillages. La production en « juste-à-temps » relève de cet objectif : la production est déclenchée par la commande du client, ce qui réduit les coûts de stockage ;
  • la qualité est une démarche qui bénéficie à l’activité (moins de pertes et de gaspillage), à l’image de l’entreprise, à l’organisation de la production (moins de pannes, de ruptures de stock) et aux salariés, plus impliqués dans le processus de fabrication ;
  • la flexibilité est un objectif essentiel pour répondre aux attentes des consommateurs qui exigent des produits de plus en plus différenciés. L’entreprise doit être capable de moduler ses productions en quantité et en qualité. Pour cela, elle doit disposer d’un appareil de production modulable et de ressources humaines polyvalentes. Le développement de l’automatisation et des techniques de production assistée par ordinateur facilite la réalisation de cet objectif.

B. La stratégie et l’organisation de la production.

Une grande partie de l’efficacité stratégique repose sur la capacité de l’organisation productive à répondre aux attentes du marché.

1. L’organisation de la production au service de la stratégie de domination par les coûts

Dans une stratégie de domination par les coûts, l’entreprise recherche un avantage concurrentiel en proposant des produits à un prix inférieur au prix du marché. La réussite de cette stratégie repose sur la capacité du système de production à générer des coûts faibles. Plusieurs solutions existent :

  • la réduction du coût d’achat des matières premières ou de l’énergie ;
  • le recherche d’un coût de main-d’œuvre faible. Cela peut conduire à la délocalisation de l’appareil de production ;
  • la réalisation d’économie d’échelle qui permet de réduire le coût unitaire de production en produisant davantage ;
  • la recherche d’un effet d’apprentissage qui repose sur l’amélioration de l’efficacité des salariés ;
  • la politique de carry over, qui repose sur la réutilisation de pièces déjà utilisées dans d’autres productions et le partage avec d’autres entreprises de ces pièces.

2. L’organisation de la production au service de la stratégie de différenciation

Dans une stratégie de différenciation l’entreprise recherche un avantage concurrentiel en offrant un produit perçu comme différent par le client, qui accepte généralement de payer un prix plus élevé pour l’obtenir.
La réussite de cette stratégie repose sur la capacité du système de production à générer et entretenir ces éléments différenciants.
La différenciation peut provenir :

  • de la qualité des matières utilisées dans la fabrication du produit (ex. : la qualité du café chez Nespresso) ;
  • de son contenu en innovation (ex. : la capacité d’innovation de L’Oréal dans la cosmétique) ;
  • du mode de production du produit (ex. : le made in France).

 

II. L’innovation

L’innovation est au cœur des processus de création de richesse pour les entreprises. Elle permet en effet de générer de la croissance, indispensable au renforcement de la compétitivité ou d’un avantage concurrentiel.
Conduire une politique d’innovation consiste à mobiliser l’ensemble des ressources techniques (recherche & développement) et humaines (management des compétences) afin d’introduire efficacement sur le marché de nouveaux produits (biens ou services) ou de nouveaux procédés.
La réussite de la politique d’innovation nécessite un environnement interne ouvert sur la nouveauté et un environnement externe à la fois favorable (dynamisme de la recherche fondamentale et infrastructure performante) et protecteur.

A. Les enjeux de la politique d’innovation

L’innovation se définit comme le processus par lequel une connaissance engendre une création de valeur supplémentaire pour l’entreprise sous forme de bien, de service ou de procédé.
Les enjeux de l’innovation pour l’entreprise sont à la fois :

  • économiques : l’innovation créé et consolide l’avantage concurrentiel ;
  • sociétaux : l’innovation est au service de la responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE). L’innovation est un instrument au service de la stratégie en préservant et en consolidant l’avantage concurrentiel, quelle que soit l’option stratégique de l’entreprise. Le mécanisme à l’œuvre est le suivant :

Les entreprises sont de plus en plus soumises à la pression de leurs parties prenantes afin d’adopter une démarche de responsabilité sociale (RSE). Elles ont ainsi :

  • les clients qui réclament des produits écologiquement sains d’un bon rapport qualité-prix ;
  • des pouvoirs publics qui introduisent des règles contraignantes (taxe carbone, malus écologique, réglementation issues de la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement) ;
  • et des ONG qui développent des stratégies de confrontation (Greenpeace) ou de collaboration (WWF).

L’innovation constitue la réponse principale à ces pressions en permettant- des évolutions technologiques «  gagnant/gagnant ». En effet, ces innovations répondent aux attentes légitimes des partenaires tout en contribuant à réduire les coûts de production. L’innovation permet également de passer d’une démarche de RSE subie à une démarche voulue.

B. Les modalités de l’innovation

L’efficacité de la politique d’innovation repose sur l’attention portée par l’entreprise sur son environnement : c’est le rôle de la veille technologique.
La politique d’innovation repose également sur le potentiel de l’entreprise à développer de la recherche et à protéger ses innovations.
Enfin, l’entreprise doit garantir le développement de ses innovations et assurer la qualité tout au long des processus de conception, de fabrication et de distribution. C’est la fonction de la démarche qualité.
Pour réussir cette mise en œuvre, l’entreprise peut certes compter sur ses propres ressources mais elle va également s’appuyer sur des partenariats avec des opérateurs privés ou publics.
On doit traditionnellement à J.A. Schumpeter l’identification de cinq types d’innovations :

Innovation produitCréation d'un produit nouveauLe lecteur MP3
Innovation marchéDécouverte d'un débouché nouveauLa vente sur Internet
Innovation de procédé de productionNouvelle organisation de la productionRobotisation d'une chaîne de fabrication
Innovation organisationnelleNouvelle organisation du travailLe toyotisme
Innovation énergieNouvelle énergie ou matière premièreL'énergie solaire

3. La recherche & développement

La recherche & développement est l’ensemble des processus permettant de transformer une invention en une innovation techniquement et commercialement exploitable.

La R&D n’est que la partie visible d’un iceberg beaucoup plus vaste du processus d’innovation. Elle intègre des éléments de recherche fondamentale (chercheurs travaillant sur l’avancée de la connaissance scientifique) et de la recherche appliquée (chercheurs travaillant sur des applications issues de la recherche).

Une entreprise peut décider de mettre en place sa propre unité de R&D. Elle s’appuie alors sur des équipes de techniciens et d’ingénieurs « maison ».

L’entreprise peut également décider de coopérer avec des partenaires extérieurs pour développer des1 innovations.
La R&D peut enfin être sous-traitée, en particulier dans des domaines qui n’appellent pas une protection particulière par des brevets.

4. La protection des innovations

Dès lors que les services de R&D ont inventé un produit ou une technique nouvelle, il est essentiel de le protéger afin de préserver l’avantage concurrentiel que cette innovation peut procurer et pour limiter les risques de contrefaçon. C’est la fonction du dépôt de brevet et d’une façon plus globale de la protection industrielle.

Un brevet est un titre de propriété industrielle qui est délivré à l’inventeur d’un produit ou d’une technique de fabrication. Ce brevet confère à son détenteur un monopole d’exploitation provisoire. En France, c’est l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) qui se charge de vérifier le caractère réellement innovant de la demande.

L’entreprise détentrice peut cependant concéder l’exploitation de ce brevet à d’autres entreprises désireuses de l’exploiter : ce sont les licences d’exploitation. L’entreprise peut aussi décider de vendre un brevet.

5. La qualité au service de l’innovation

La qualité est un processus qui permet à l’entreprise de répondre aux attentes du client (rapport qualité-prix) en-produisant le bien ou le service à un coût économiquement acceptable.

Elle est aujourd’hui une condition nécessaire à la réussite stratégique. Les entreprises ont en effet constaté les dégâts causés par la non-qualité. Ce coût peut prendre différentes formes :

  • le gaspillage lié aux défauts (retour de produits défectueux, coût de la maintenance) ;
  • la désorganisation du travail lorsqu’il faut interrompre un processus de fabrication ;
  • la perte de clients mécontents ;
  • la détérioration de l’image.

Le deuxième enjeu est lié au gain de compétitivité que procure la qualité. Elle confère à l’entreprise qui développe cette démarche un avantage concurrentiel certain qu’il convient d’entretenir. C’est le rôle de l’amélioration continue de la qualité et du contrôle de la qualité.

La démarche qualité est apparue avec le besoin croissant de garantir aux clients un produit répondant à leurs besoins. Cette première démarche reposait le plus souvent sur un contrôle a posteriori de la qualité. Son objectif était essentiellement de réduire le nombre de produits défectueux au regard des normes internes.

Progressivement, la démarche qualité a associé des acteurs en amont : services chargés de la conception des produits, en liaison avec les services commerciaux chargés de la relation client. C’est la période dû règne des « cinq zéros » (zéro défaut, zéro stock, zéro panne, zéro papier, zéro délai). Cette démarche va connaître un nouvel essor dans les années 1970 avec le développement des cercles de qualité. L’idée est de concevoir une démarche globale qui associe tous les membres de l’entreprise. S’il est admis aujourd’hui de reconnaître que les cercles de qualité ont été un échec en Europe, ils ont néanmoins permis de faire travailler ensemble des salariés qui ne se seraient jamais rencontrés autrement et de préparer ainsi les nouvelles organisations de la production (équipes polyvalentes).

Dans un troisième temps, la démarche qualité va sortir de l’entreprise, toujours sous la pression des exigences du client et d’un besoin de certitude accrue sur le produit offert. Des normes internationales vont se développer (ISO) et des organismes vont se charger de les mettre en œuvre dans les entreprises (AFNOR par exemple). Ils vont auditer le fonctionnement de l’entreprise, mettre en place des procédures de travail et délivrer finalement la certification.

Aujourd’hui, on parle de TQM (Total Quality Management) pour qualifier l’ensemble des procédures de qualité qui intègrent également le management. La méthode six sigma s’inscrit dans cette démarche de qualité totale. Plusieurs critiques sont adressées à la démarche qualité :

  •  le coût élevé des démarches de certification ;
  • le surinvestissement nécessaire des cadres pour mettre en.place et contrôler les procédures, ce qui génère des surcharges de travail ;
  • le risque bureaucratique des procédures mises en place ;
  • la démarche qualité est davantage centrée sur le comment que sur le pourquoi, ce qui au final freine l’innovation au lieu de l’encourager.



III. Le management des connaissances

A. Définition et enjeux du management des connaissances (KM)

Le management des connaissances et des compétences (en anglais, knowledge management, KM) est un ensemble de processus qui vise à exploiter les compétences organisationnelles et humaines en créant une culture de l’apprentissage. Ce processus doit permettre à ses acteurs d’accumuler des connaissances et de les partager systématiquement pour faire progresser l’organisation.

Pour assurer leur réussite stratégique, les entreprises ont besoin d’innover en permanence. Or, l’innovation n’est pas seulement liée à la technologie, mais surtout à la capacité de mobiliser les connaissances des individus constituant les ressources humaines de l’entreprise. Avec le papy-boom, le KM devient un outil de préservation du savoir des « anciens ». C’est son premier enjeu humain.

L’entreprise hermétique aux mutations de son environnement tend à disparaître au profit de l’entreprise étendue – ou virtuelle. Dans cette configuration, l’information est totalement décentralisée, dispersée sur des entités multiples (fonctions, métiers, projets) et sur des acteurs autonomes, parfois géographiquement distants. Le KM devient l’outil qui garantit la cohérence de l’entreprise en permettant à tous de disposer des ressources et des compétences indispensables à une prise de décision rapide et efficace. Pour être efficace, le management des connaissances doit s’appuyer sur un système d’information performant ; c’est le deuxième enjeu organisationnel du KM.

La maîtrise des connaissances est également indispensable à l’entreprise qui veut conserver un avantage concurrentiel. Il existe de multiples connaissances banalisées, accessibles à tous, et donc inutiles ! L’entreprise, grâce au KM, va pouvoir piocher dans ce stock de connaissances et en dégager les savoirs uniques qui, en devenant source de différenciation, vont renforcer l’avantage concurrentiel. C’est le troisième enjeu concurrentiel du KM.

B. Les outils du management des connaissances

Internet apparaît comme l’outil indispensable au KM. Pourtant, l’abondance d’informations disponibles peut le rendre inefficace. D’où la création d’outils permettant d’améliorer l’échange et le partage d’informations.

Le Web 2.0 s’inscrit dans cette évolution des pratiques de partage. Désormais, Internet ne s’adresse plus seulement à des utilisateurs mais à des acteurs qui vont générer des contenus et/ou enrichir les contenus existants. Cette pratique, qui existe largement sur Internet (Wikipédia en est un exemple), se répand à l’intérieur de l’entreprise avec le développement des messageries, des blogs, des espaces de travail collaboratifs, des réseaux sociaux.
On peut identifier trois niveaux de pratiques :

  • l’organisation rationalisée de l’information existante, pour la rendre plus pertinente et plus
    performante (ex. : constitution d’une base de données clients et prospects à partir de
    l’ensemble des fiches élaborées par les utilisateurs isolément) ;
  • l’organisation de la diffusion des connaissances à partir des bases de données enrichies et
    jusqu’alors dispersées, recueil et mise en commun de pratiques (ex. : les logiciels help desk
    (bureau d’assistance), permettant aux utilisateurs de cet outil de disposer d’une assistance
    pour gérer des problèmes informatiques ; cette base s’enrichit des incidents qui lui sont
    soumis ;
  • l’organisation du partage des connaissances, qui s’appuie sur des outils de travail
    collaboratif, ce qui permet à des groupes distants d’échanger et de construire ensemble des
    connaissances ; on aboutit alors à l’émergence de communautés de pratiques.