4. La dynamique structurelle



I. Les déterminants du changement structurel

Sans reprendre de façon exhaustive l’ensemble des facteurs qui engendrent des changements structurels, on peut identifier quelques déterminants à partir d’exemples :

FacteursChangement externeChangement stratégiqueChangement structurel
DémographiqueVieillissement de la populationToyota renforce sa spécialisation en développant des véhicules adaptés aux seniors.Le nombre de salariés augmente dans le centre de R&D.
Les structures de production en Europe sont renforcées.
ÉconomiqueCrise financièreChrysler et General Motors se rapprochent.Le nombre de salariés est réduit, des usines sont fermées.
Fluctuation du cours de l'luminiumLe groupe Arcelor Adopte une stratégie d’intégration verticale.Les entreprise d'extraction absorbées sont intégrées, renforçant la structure fonctionnelle.
ConcurrentielOuverture à la concurrence de la distribution du courrierLa poste doit diversifier ses activités.Les métiers traditionnels sont redéfinis.
JuridiqueRéforme de la loi réglementant les ouvertures de grandes surfacesCarrefour adopte une stratégie d'intégration horizontale et une stratégie d'internationalisation.Les magasins Champion sont intégrés dans la structure et deviennent des Carrefour Market.
Le rythme d'ouverture de nouveaux magasins à l'international est augmenté.
TechnologiqueDéveloppement des technologies mobilesMicrosoft réoriente sa stratégie sur le mobile.Une nouvelle direction est mise en place.

Ces changements ont un impact direct sur le chiffre d’affaires et les effectifs des entreprises.

Ils font également réagir les concurrents qui vont, à leur tour, faire évoluer leurs structures.

 

II. Les difficultés du changement structurel

Le changement structurel peut se définir comme un processus par lequel la structure d’une organisation – dans sa globalité ou dans quelques caractères – se trouve modifiée afin d’atteindre un état de fonctionnement et de performance meilleur. Il découle en général d’un changement stratégique préalable.

Le changement structurel va avoir un impact sur l’organigramme, en modifiant les rapports d’autorité et de pouvoir. Mais il agit plus profondément en modifiant les rapports entre les acteurs de l’entreprise, les mécanismes de coordination et les modalités de contrôle (décentralisation / centralisation).

A. La résistance des salariés face au changement

L’introduction du changement produit chez les personnes qu’il implique une résistance qui peut devenir un frein si le changement n’est pas accepté.

Michel Crozier, sociologue français a montré que cette résistance au changement était normale. Le changement est considéré, le plus souvent, comme une aspiration positive. Ne pas l’accepter revient a être considéré comme passéiste. Or, Crozier montre que le changement, en modifiant la situation des acteurs, engendre de l’inquiétude (la peur de perdre les acquis) et modifie les stratégies individuelles car ces stratégies sont élaborées à partir des contraintes perçus par chaque acteur et des enjeux de pouvoir.

Pour aller plus loin

Michel Crozier et Erhard Friedberg, L’acteur et le système, Le seuil, 1977.

Pour affronter ces difficultés, le rôle du dirigeant est essentiel. La première source de résistance est la représentation que les dirigeants ont du changement. Un dirigeant ouvert sur l’environnement va s’efforcer de faciliter les phases de transition pour accompagner le changement en s’appuyant sur ses subordonnés. Inversement, un dirigeant conservateur va entretenir l’anxiété de ses subordonnés et peut contribuer à l’échec d’un changement stratégique.

B. La résistance culturelle au changement

La culture d’entreprise peut également devenir un facteur de résistance.

Une culture ouverte à l’innovation va facilement intégrer les changements organisationnels.

Une culture plus traditionnelle peut constituer un frein au changement.

Les regroupements d’entreprises posent aussi le problème de la fusion des cultures d’entreprise. Les nouvelles structures mises en place doivent permettre à chacun de trouver sa place. Les dirigeants doivent travailler à l’émergence de valeur communes aux deux entreprises.

 

III. Surmonter les résistances au changement

A. Conduire le changement

Face au changement, un salarié peut passer par cinq états :

  • le rejet : c’est le refus de voir son quotidien modifié car le changement perturbe trop la situation acquise ;
  • la résistance : le salarié admet le changement, mais il essaie de l’aménager pour qu’il perturbe le moins possible ses habitudes ;
  • la décompensation : le salarié comprend que le changement est inéluctable, mais cela le déprime ;
  • la résignation : le salarié accepte le changement avec nostalgie. C’est le syndrome du « c’était mieux avant » ;
  • l’intégration : le salarié accepte le changement et il voit les côtés positifs.

B. Anticiper le changement

Les étapes du changement ont été mis en évidence par Larry E. Greiner (1972). Au cours de sa croissance, une entreprise passe par des phases successives qui se traduisent par un des changements de style de management, de coordination et de division du travail. Chaque phase se termine par une crise qui permet la transition vers la phase suivante. Les changements de phase s’accompagnent généralement d’un changement d’équipe de direction.

Phase1. Entrepreneuriat2. Collectivité3. Délégation4. Formalisation5. Collaboration
Rôle du dirigeantCentré sur la production et la venteRecherche d'efficacité des opérationsStratégie d’expansion des marchésConsolidation de la structureRecherche d'un management flexible et réduit
Type de structureSimpleFonctionnelleDivisionnelleRenforcement des services fonctionnels (staff) et contrôle des divisions (line)Transversale ou par projet
Mode de coordinationAjustement mutuel- Supervision direct
- Standardisation des procédés
Standardisation des résultatsContrôle des unités décentraliséesContrôles facilités des unités par la mise en place d'un système d'information
Organisation du travailInexistanteCentralisationDécentralisation des responsabilitésContrôle des unités décentraliséesMotivation des équipes pour qu'elles collaborent entre elles
Source de la criseManque de méthodes et de procéduresExcès de contrôle et de procéduresExcès d'autonomie qui nécessite une reprise en mainFormalisme bureaucratique qui engendre des rigidités- Saturation psychologique des cadres
- Pression engendrant du stress
Qualification de la criseCrise de leadershipCrise d'autonomieCrise de contrôleCrise de paperasserie Crise du renouveau
Taille de la structurePetite-------------- >-------------- >-------------- >Grande
Âge de la structureNaissante-------------- >-------------- >-------------- >Maturité

Greiner a mis en évidence une sixième étape qui suit la crise de renouveau et voit l’émergence d’entreprises en réseau qui ont externalisé leurs activités périphériques.

C. Réussir le changement

La réussite du changement suppose d’avoir identifié le type de changement qui s’opère. On peut construire une matrice en croisant deux critères :

  • la première distinction porte sur le rythme de changement : le changement peut être rapide – il résulte par exemple d’une opération de croissance externe ou d’une crise – ou progressif (incrémental) ;
  • le deuxième critère est l’importance du changement : le changement peut être mineur (il porte sur une partie de structure) ou majeur (il porte sur la globalité de la stratégie et de la structure de l’entreprise).

Le croisement des deux critères permet d’élaborer la matrice des changements structurels :

+
Importance du changement
-
Évolution
(Hermès, DCNS)
Révolution
(Air France)
Adaptation
(Manitou)
Correction
(Siemens)
- - - - - - - - - - - - - - - - - Rythme de changement + + + + + + + + + + + +

John Kotter décrit les huit phases de la mise en œuvre réussie du changement :

  • créer un sentiment d’urgence pour alerter les acteurs de la nécessité de changer ;
  • constituer une équipe qui va conduire le changement ;
  • construire une vision et une stratégie collectivement, mais aussi des stratégies alternatives en cas d’échec ;
  • informer et expliquer le changement en offrant la possibilité aux acteurs de s’exprimer ;
  • aider les acteurs à accepter le changement et à affronter les difficultés en modifiant le système d’évaluation ;
  • valoriser les premières réussites, ce qui donne l’énergie de poursuivre et évite l’enlisement ;
  • consolider les gains et tenir la distance ;
  • enraciner le changement dan la culture d’entreprise, condition indispensable d’un changement réussi.