10. Les firmes multinationales dans l’économie mondiale



Les entreprises qui produisaient et se concurrençaient autrefois sur leur marché national agissent désormais au niveau mondial. La plupart des grandes entreprises sont multinationales (ou transnationales). Elles conçoivent, produisent et commercialisent leurs produits comme si le monde était un seul espace géographique.

Les stratégies d’implantation de ces firmes multinationales passent par des investissements directs à l’étranger (IDE), dont les conséquences économiques sont importantes aussi bien pour les pays d’accueil que pour les pays d’origine.

 

I. La division internationale du processus productif (DIPP)

A. Qu’est-ce que la DIPP ?

Lorsque le processus de production d’un bien complexe (automobile, vêtement, électroménager, etc.) peut être décomposé en plusieurs étapes, on observe que chaque étape n’utilise pas le même niveau de qualification de la main-d’œuvre, la même maîtrise technologique, ni la même spécialisation des machines. Il n’est pas nécessaire que ces étapes soient réalisées dans un lieu unique.

Pour réduire les coûts de production (coûts du travail, des Entrants, du capital) et profiter des économies d’échelle résultant de la spécialisation et des avantages comparatifs de différents pays, les entreprises rationalisent leur production, en fabriquant les éléments nécessaires à la production d’un bien dans différents pays.

Elles s’implantent ou sous-traitent en choisissant chaque pays d’accueil en fonction des avantages comparés qu’il procure pour chaque étape du processus de production.

La situation géographique du pays d’implantation est soigneusement étudiée pour apprécier :

  • les facilités d’approvisionnement en matières premières ;
  • la proximité du marché acheteur ;
  • l’existence d’infrastructures de qualité pour le transport et les communications (ports, aéroports, routes, réseau Internet, etc.).

La mise en œuvre d’une stratégie d’implantation au niveau mondial correspond au choix de la division (ou décomposition) internationale du processus productif (DIPP).

B. L’importance des investissements directs à l’étranger (IDE) dans la mondialisation

1. Définition de l’IDE

L’IDE est l’acquisition, la prise de participation ou la création d’une entreprise à l’étranger par une entreprise non résidente dans le pays. Il s’agit de l’acquisition d’un intérêt durable, c’est-à-dire, selon l’OCDE, « la recherche d’une influence significative sur la gestion de l’entreprise. L’existence de cette relation est établie dès lors qu’un investisseur résident d’une économie possède, directement ou indirectement, au moins 10 % des droits de vote d’une entreprise résidente d’une autre économie » (définition de la CNUCED).

2. L’importance des IDE

La crise a fait chuter les IDE mondiaux dès 2007. Depuis 2009 ils augmentent à nouveau, mais sans retrouver leur niveau d’avant la crise.

La crise a fortement fait baisser les IDE en provenance et à destination des pays développés, alors que les IDE en provenance et à destination des pays en développement ont mieux résisté et progressent même. En effet, ces pays, en particulier la Chine, ont moins souffert de la crise et orientent leur développement économique vers les investissements à l’étranger.

C. La place des firmes multinationales

Une firme multinationale est une entreprise implantée dans plusieurs pays par le biais de filiales. Une FMN doit au minimum avoir une filiale à l’étranger, c’est-à-dire qu’elle doit détenir au moins 10 % du capital d’une entreprise d’un autre pays.

Il faut noter que cette définition est très différente de la notion juridique de filiale : en droit commercial, une société filiale est une entreprise dont 50 % du capital sont formés par des apports réalisés par une autre société dite « société mère », qui en assure généralement la direction, l’administration et le contrôle. Lorsque le capital d’une société est composé d’apports dont la valeur est supérieure à 10 % mais inférieure à 50 %, il s’agit d’une simple participation.

Le plus souvent, les centres de décision restent dans le pays dont la firme est originaire (localisation du siège social) et une partie importante du chiffre d’affaires de la FMN est
réalisée à l’extérieur de ce pays.

Les deux tiers du commerce mondial sont assurés par les FMN, avec pour un tiers d’échanges intra-firmes (entre filiales d’une même multinationale) et un tiers d’échanges extra-firmes (entre clients et fournisseurs qui ne dépendent pas de la même FMN).

Longtemps originaires de la Triade (Europe, États-Unis, Japon), les FMN des pays émergents – en particulier des BRICS (Brésil, Russie, Inde Chine et Afrique du Sud) – menacent désormais les FMN occidentales. Ces entreprises bénéficient de la globalisation de l’économie et des nouvelles technologies de l’information et de la communication.

D. La localisation des activités

En délocalisant leurs activités, les multinationales recherchent des avantages en termes :

  • de coûts (approvisionnement, main-d’œuvre, transport) ;
  • de proximité de marchés de consommation (elles cherchent à s’installer là où se trouvent les acheteurs) ;
  • également de production (proximité des matières premières, d’une main-d’œuvre disponible abondante) ;
  • d’acquisition de compétences (qualification, savoir-faire).

L’importance des critères d’implantation varie selon l’activité des filiales créées :

  • pour les FMN qui recherchent des débouchés ou qui cherchent à répartir les risques, et donc qui s’implantent pour vendre dans un pays ou un groupe de pays, la taille du marché, son taux de croissance, la facilité d’accès au marché et les infrastructures sont les critères prépondérants ;
  • les filiales de production, c’est-à-dire pour les firmes qui s’implantent pour produire, c’est avant tout la proximité des matières premières ou des fournisseurs, le coût de la main-d’œuvre et/ou la qualification de cette main-d’œuvre qui vont être déterminants dans le choix de s’implanter ou non ;
  • pour toutes les FMN, les avantages fiscaux ou les aides et les incitations offerts par certains pays d’accueil sont des critères importants.

Les critères les plus importants dans le choix d’un site d’implantation sont :

  • l’ampleur du marché (sa taille et son taux de croissance) ;
  • l’ouverture de ce marché à l’international.

La non-prise en compte de ces critères peut entraîner un échec de l’implantation.



II. Les effets des stratégies des FMN dans les pays

A. L’effet dans les pays d’accueil et l’action des États pour se rendre attractifs

1. L’effet dans les pays d’accueil

Qu’il s’agisse des pays industrialisés ou des pays en développement, les IDE ont un effet sur la croissance des pays d’accueil en termes de :

  • création d’emplois ;
  • augmentation du PIB (en particulier pour les pays émergents) ;
  • transfert de compétences et de technologies : les FMN sont les principaux vecteurs de transfert de technologie par la vente de biens d’équipement, la cession de brevets et les accords de licence, la vente d’usines clés en main, l’assistance technique, les échanges entre scientifiques ;
  • l’amélioration de la productivité ;
  • le développement économique par effet d’entraînement : l’implantation d’une FMN dans une région a de nombreux effets indirects (création d’unités périphériques en amont ou en aval, constitution d’un tissu industriel) ;
  • l’augmentation des exportations.

2. L’action des États pour se rendre attractifs

La plupart des Etats cherchent à attirer les investissements étrangers – dans le cadre de leur politique d’aménagement du territoire – pour bénéficier de leurs effets positifs. Pour cela, ils offrent des aides diverses, font connaître leurs atouts, mettent en place des réseaux d’information, de promotion, de prospection et d’accueil des entreprises étrangères. En France, FAFII (Agence française pour les investissements internationaux) est chargée de cette mission.

Les principaux atouts de la France sont : la taille et le dynamisme de son marché, l’accès au marché européen, la qualité de ses ressources humaines, la densité de son tissu industriel, la qualité de ses infrastructures et le soutien à l’investissement industriel.

B. L’effet dans les pays d’origine

Le principal effet dans les pays d’origine concerne les délocalisations. Celles-ci sont surtout connues pour leurs conséquences négatives, mais elles peuvent comporter également des effets positifs.

1. Les conséquences négatives des délocalisations

Elles portent essentiellement sur :

  • les suppressions d’emplois et donc le chômage pour les salariés les moins qualifiés qui ne retrouvent pas d’emploi, en particulier lorsque la main-d’œuvre est peu flexible ;
  • la baisse ou la stagnation des salaires face au « chantage à la délocalisation », c’est-à-dire aux menaces de délocaliser si les syndicats sont, trop revendicatifs en matière de rémunérations ;
  • la désindustrialisation du pays d’origine, avec le risque de perte de contact avec l’innovation qui se diffuse entre les entreprises implantées au sein d’une même région ou d’un même pôle territoriale.

Dans un avenir proche, un risque important est celui de la délocalisation de la matière grise alors que, jusqu’à maintenant, les emplois peu qualifiés étaient les plus touchés.

2. Les conséquences positives des délocalisations

Les conséquences positives des délocalisations sont surtout observables à long terme. On peut citer, pour l’entreprise :

  • des gains de productivité et une augmentation des compétences ;
  • une diminution du risque de change puisque, en produisant dans un pays au lieu d’y importer des marchandises, l’offre et le règlement sont effectués dans la même monnaie, il n’y a pas de crainte de voir fluctuer les monnaies entre la commande et le règlement, comme c’est le cas dans les opérations de commerce international.

Et, pour le pays, on observe :

  • une meilleure exploitation de ses avantages comparatifs, qui lui permet de renforcer sa spécialisation dans les échanges internationaux ;
  • une hausse du pouvoir d’achat induite par une baisse des prix, les prix des produits importés diminuant du fait de la concurrence internationale ;
  • des recettes fiscales plus importantes apportées par les profits élevés des multinationales qui ont délocalisé leur production.